Si je t'oublie Jérusalem
"Nous l’avons éliminé. Il nous a fallu longtemps, mais l’homme est plein de ressources et ses facultés d’invention sont infinies, et ainsi nous avons réussi à nous débarrasser enfin de l’amour tout comme nous nous sommes débarrassés du Christ. Nous avons la radio pour remplacer la voix de Dieu, et au lieu d’économiser notre monnaie émotionnelle pendant des mois et des années afin de mériter une occasion de la dépenser tout entière en amour, nous pouvons maintenant la faire durer et en faire des petites pièces pour nous exciter devant les kiosques à journaux à chaque coin de rue..."
Tandis que j'agonise
"Il est là-bas, sous le pommier, avec elle, couché sur elle. Il est là-bas pour empêcher le chat de revenir. J'ai dit: "Est-ce que tu vas chasser le chat, Darl?"
Le clair de lune le tachetait aussi. Sur elle il était tranquille, mais sur Darl il faisait danser des ronds.
J'ai dit: "Faut pas pleurer. Jewel a put la sortir. Faut pas pleurer, Darl."
La grange est encore rouge. Avant, elle était plus rouge que ça. Et puis elle a disparu en tourbillons; faisant reculer les étoiles sans les faire tomber. Mon coeur en a eut mal, comme pour le train."
Tandis que j'agonise
Septembre ardent
Absalon, Absalon!
"Oui, Judith, Bon, Henry, Sutpen, tous autant qu’ils sont. Les voilà tous, mais il manque quelque chose: on dirait une formule chimique exhumée en même temps que les lettres de ce coffre oublié, avec précaution, le papier ancien et passé tombant en morceaux, l’écriture passée, presque indéchiffrable, mais significative, familière dans sa forme et son sens, disant le nom et la présence de forces instables et vivantes; on les mélange dans les proportions requises, mais rien ne se produit; on relit la formule, lentement, attentivement, pour s’y absorber et s’assurer qu’on n’a rien oublié, qu’on ne s’est pas trompé dans ses calculs; on mélange de nouveau et, de nouveau, rien ne se produit: rien que les mots, les symboles, les formes elles-mêmes, indistinctes, énigmatiques et sereines, sur cette toile de fond déclamatoire d’une atroce et sanglante mésaventure humaine."
Absalon, Absalon!
Tandis que j'agonise
Absalon, Absalon!
Malraux préface Sanctuaire
"Un monde inégal, puissant, sauvagement personnel, non sans vulgarité parfois. Monde où l'homme n'existe qu'écrasé. Il n'y a pas d'"homme" de Faulkner, ni de valeurs, ni même de psychologie, malgré les monologues intérieurs de ses premiers livres. Mais il y a un Destin dressé, unique, derrière tous ces êtres différents et semblables, comme la mort derrière une salle des incurables. Une obsession intense broie en les heurtant ses personnages, sans qu'aucun d'eux l'apaise; elle reste derrière eux, toujours la même, et les appelle au lieu d'être appelée par eux."